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Les Européens devraient-ils célébrer la chute d’Al Andalus ?

Le 2 janvier 2022, marquait le 530e anniversaire de la perte de Grenade, la chute d’Al Andalus en 1492 mettant ainsi fin à quelque sept siècles d’autorité islamique dans l’Espagne et le Portugal d’aujourd’hui et poussant les musulmans ; ou « Maures » ; à vivre comme réfugiés internes jusqu’à leur expulsion définitive au XVIIe siècle.

Cependant, les Européens doivent-ils célébrer la chute de la période la plus brillante du continent européen ?

Ce que disent les écrivains occidentaux sur Al Andalus

Les auteurs occidentaux, souvent orientalistes, s’accordent à dire que l’Espagne islamique était le summum de la civilisation humaine à l’époque, plus encore par rapport à l’Europe chrétienne.

Ainsi, Américo Castro, un universitaire espagnol dont tout le travail dans sa vie consistait précisément de démontrer comment l’Islam a façonné l’Espagne, il écrit :

Ces armées victorieuses [espagnols-chrétiens] ne purent réprimer leur étonnement en voyant la grandeur de Séville ; les chrétiens n’avaient jamais rien possédé de semblable dans l’art, la splendeur économique ; l’organisation civile, la technologie et la productivité scientifique et littéraire.

De même, Nietzsche, le célèbre philosophe allemand, écrit dans son livre l’Antéchrist :

“Le christianisme nous a frustrés de la moisson de la culture antique, et, plus tard ; il nous a encore frustré de celle de la culture islamique. La merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce, a été foulée aux pieds (et je préfère ne pas penser par quels pieds!) ; Pourquoi? Parce qu’elle devait le jour à des instincts aristocratiques, à des instincts virils ; parce qu’elle disait oui à la vie, avec en plus, les exquis raffinements de la vie maure!… Les croisés combattirent plus tard quelque chose devant quoi ils auraient mieux fait de se prosterner dans la poussière — une civilisation en comparaison de laquelle même notre XIX siècle semblerait pauvre et retardataire !”

Mais le fait est qu’ils ont tous reconnu la supériorité civilisationnelle d’Al Andalus sur l’Europe chrétienne.

Le fossé civilisationnel

Pour avoir une petite idée du fossé civilisationnel, au Xe siècle, la ville de Cordoue à elle seule produisait environ 70 000 à 80 000 manuscrits chaque année, tandis que Konrad Hirschler, un orientaliste contemporain d’Allemagne, étudiait une bibliothèque syrienne médiévale (l’analyse s’applique également à Al-Andalus) et l’a mis en contraste avec les collections de manuscrits des meilleurs monastères anglais des siècles plus tard. Le tableau d’ensemble est assez sombre pour les suprémacistes européens :

Pour mettre ce nombre en perspective, sur les îles britanniques, le nombre de livres dans les bibliothèques monastiques médiévales ne dépassait généralement pas les centaines. À la fin du quatorzième siècle, la plus grande bibliothèque, celle d’Austin d’York, contenait 646 volumes ; le catalogue de la bibliothèque cistercienne de Meaux recensait 363 volumes ; la bibliothèque du prieuré bénédictin de Douvres contenait 450 volumes ; et la bibliothèque augustinienne de Lanthony comptait 508 volumes. A cette période, plus d’un siècle après la fondation de l’Achrafīya, seules les bibliothèques les plus remarquables ; possédaient un fonds qui approchait les 2000 volumes (…) bien que nous n’ayons pas de chiffres pour les autres bibliothèques arabes, le fait que la bibliothèque de cette institution plutôt banale à Damas n’ait été d’une ampleur égalée qu’un siècle plus tard par les institutions les plus prestigieuses de la Grande-Bretagne médiévale donne un avant-goût de la vie livresque en Syrie.

D’autres grands intellectuels occidentaux, tels que Gustave Le Bon en France, Sigrid Hunke en Allemagne, etc. ont également considéré la différence de production de livres comme une preuve de la suprématie civilisationnelle d’Al Andalus. Certes, les laïcs libéraux occidentaux modernes, devront admettre que l’islam a civilisé l’Europe pendant de nombreux siècles.

Une perte inutile

La perte d’une population aussi cultivée et industrieuse a eu des effets sur la société espagnole. Al-Hajj Ta’lim Ali Abu Nasr, qui se trouve également être le premier traducteur américain du Coran dans les années 80, détaille dans son livre « la fin de l’Espagne Musulmane » :

L’expulsion massive des musulmans a infligé des ravages et de la misère partout il a coûté au peuple espagnol l’un des secteurs les plus productifs de sa société, et les meilleurs ouvriers agricoles (… ) (…) les arts et l’artisanat d’Espagne ont vraiment souffert (…) la fabrication de textiles a également pris du retard, en particulier le tissage du coton et de la soie à Grenade, Séville et Pastrana (…) l’ingénierie de l’irrigation, en particulier dans et autour de la Huerta  de Valence, a souffert de l’expulsion de ses meilleurs ouvriers. Fermes et champs abandonnés dans les montagnes des Alpujarras au sud-est de Grenade. En général, le commerce était étouffé dans les régions d’Espagne où des ouvriers musulmans ou « morisques » ; les mudéjars occupés et talentueux, avaient exercé leur métier.

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